Les délégations Parmi les moyens d'action engagés par le CNRS en direction de la communauté mathématique française, les délégations apparaissent comme un instrument important de sa politique scientifique dans ce domaine. Dans une discipline où le ratio chercheurs CNRS/enseignants-chercheurs universitaires est faible, le système des délégations crée et renforce le lien entre université et CNRS; il permet, dans la mesure des moyens disponibles, de répondre à la forte demande des enseignants-chercheurs, désireux d'être des acteurs à part entière de la recherche en mathématiques. Ceci est plus particulièrement vrai des jeunes enseignants-chercheurs qui sont les plus concernés et vers lesquels l'effort s'est principalement porté ces dernières années. En enlevant au Comité National une de ses prérogatives les plus reconnues dans le monde universitaire, la direction du CNRS rend le système opaque, et se prive d'un outil de politique scientifique très efficace, au regard des moyens engagés. Le Comité National est, à ce jour, la seule instance reconnue par la communauté mathématique comme étant à même d'évaluer les demandes de délégations, et de les classer à l'échelle nationale. Il compte en son sein de nombreux universitaires, élus ou non, soucieux de promouvoir l'activité de recherche dans les laboratoires associés, sans pour autant déstabiliser les départements d'enseignement. En se privant de son avis, le CNRS renvoie de fait le pouvoir décisionnel sur le directeur scientifique adjoint (qui ne l'a pas demandé, et qui ne peut raisonnablement soudainement effectuer un travail qui mobilisait jusqu'à présent une instance collective d'une vingtaine de personnes) et plus vraisemblablement, sur les universités. Celles-là n'y sont absolument pas préparées, et semblent gérer la question des délégations de façon très variable: en témoigne telle grande université parisienne où les commissions de spécialistes ont été instamment priées de ne *pas* classer les demandes de délégations. Si ni la commission de spécialistes, ni la section du Comité National, seules instances collectives reconnues par la communauté mathématique, ne doivent donner leur avis dans le processus d'attribution, qui le fera, et avec quelle légitimité ? La direction du CNRS insiste sur l'importance de l'évaluation, et de sa transparence: il y a une incohérence certaine entre cette volonté affichée, délimitant clairement le rôle joué par les instances d'évaluation et les instances décisionnaires, allant jusqu'à envisager l'extension de certaines tâches d'évaluation du Comité National (laboratoires hors CNRS par exemple), et la décision de supprimer l'évaluation des demandes de délégations. Une refonte du système de fonctionnement des délégations, souhaitable, avec un partenariat clair entre l'université et le CNRS, ne commence pas en supprimant de fait l'évaluation par champ disciplinaire, au niveau national. Tout système adopté ultérieurement devrait comprendre une telle phase, menée par une commission ad-hoc, représentative des partenaires impliqués, reconnue par la communauté scientifique. Étonnement, une telle commission ressemble précisément à une section du Comité National... Au-delà des délégations, la direction du CNRS souhaite développer les liens avec le monde universitaire, et notamment les passerelles entre chercheurs et enseignants-chercheurs: parmi les moyens évoqués, figure une augmentation du nombre de détachements. Aujourd'hui très faible en section 01, le détachement est essentiellement réservé à des opérations de politique scientifique très ciblées. La section verrait d'un très bon oeil cette augmentation, alors même qu'elle vient, lors de sa session d'automne, d'examiner plus de quarante demandes de détachement, dont beaucoup de dossiers de très grande qualité, pour un résultat pratique insignifiant. En attendant ces changements, elle ne comprend pas qu'on lui demande un travail d'évaluation essentiellement inutile, puisque sans conséquences, tout en lui retirant celui sur lequel elle assoit, et le CNRS avec elle, la légitimité de son action vers la communauté mathématique universitaire, en permettant dès aujourd'hui la mobilité appelée par tous. Fabrice Planchon Président de la section 01 du Comité National